Theatrhythm Final Fantasia
Et si Melody of Memory avait été teasé par Square Enix 15 ans plus tôt ? Les voyageurs du Royaume des Coeurs de la première heure pouvaient en effet flairer la piste lorsque Kingdom Hearts II intégrait déjà en son temps des séquences d’épreuve rythmique au sein du monde d’Ariel, la Petit Sirène. Il aura ainsi fallu attendre 2020 pour que l’éditeur japonais décide de concrétiser le tir aux côtés de indieszero, adepte des jeux de réflexion en tout genre, en concevant une véritable expérience musicale autour des aventures de Sora.
Mettons toutefois bien avant tout les points sur les i afin d’éviter toute confusion. Kingdom Hearts Melody of Memory n’est pas un simple spin-off, mais bel et bien un chapitre canonique apportant son lot de détails sur le futur de la saga. Son mode histoire, baptisé Tour des Mondes, se situe juste après les événements du troisième épisode, plus exactement à la fin de Re Mind, la dénommée extension narrative de la version éponyme parue en début d’année. Kairi se place en tant que narratrice pour nous compter les pans principaux de la saga Dark Seekers (ou appelée aussi simplement la saga Xehanort) – c’est-à-dire toute les aventures de Sora dans sa bataille contre Xehanort, avant de faire quelques jointures sur les enjeux à venir, notamment autour d’un mystérieux personnage encapuchonné connu sous l’appellation Maître des maîtres.
Les cinq premières heures servent en gros de récapitulatif, permettant ainsi aux non initiés de survoler rapidement les grandes lignes. Attention toutefois, il est loin d’être suffisant d’avoir joué à Melody of Memory pour comprendre l’entièreté de la série, Kingdom Hearts se hissant aisément parmi les univers les plus complexes de la sphère vidéoludique. La mise en scène est d’ailleurs ici très légère, voire rudimentaire. Aucune phase d’exploration, ou ne serait-ce une réelle entrée en matière, ne vient formellement insuffler à notre aventure cet élan romanesque qui fait habituellement le charme des Kingdom Hearts. Seules de belles cinématiques en langue shakespearienne ponctuent notre voyage symphonique.
Keyblade Hero
Sans vouloir trop en dire, notre Princesse de cœur des Îles du Destin préférée explore ici ses propres souvenirs – d’où le sous-titre, et même ceux les plus enfouis, notamment en ce qui concerne son enfance, dans le but de retrouver les traces d’un personnage clé. Ces séquences de mémoire se lisent telles des partitions, dans lesquelles Sora et ses camarades éliminent les sans-cœurs au rythme des thèmes musicaux. « Dearly Beloved » revisité de façon jazzy, « Dive into the Heart » (Destati), « Wave of Darkness », « The Other Promise », « Rage Awakened », ou encore « Vector to the Heavens », ce sont autant de compositions ayant su marquer le cœur des fans qui se retrouvent compilées dans le jeu. Pour être exact, ce sont plus de 140 titres, dont quelques inédits, dans lesquels il est possible de s’évader.
Ce large répertoire, issu d’une saga longue de neuf jeux (sans compter les versions internationales et les compilations HD), regroupe non seulement les arrangements de Yoko Shimomura mais aussi les bandes originales remixées d’un grand nombre de films provenant des studios de la souris aux grandes oreilles. D’ailleurs comme le disait le cousin Yoda : pour trouver réponse dans le passé, battre la mesure, il faudra. Si sur Nintendo 3DS les Final Fantasy Theatrhythm optaient pour une lecture en défilement horizontal afin de coller davantage à l’ancienne organisation des combats du tour par tour, Melody of Memory a choisi de suivre une architecture plus verticale et plus en relief, dans la lignée notamment des Guitar Hero, Rock Band, Amplitude et autres créations du studio Harmonix Music Systems.
Tous sans-coeur !
Une fois la musique lancée, notre trio de combattants de la lumière avance sur sa piste respective en vue de vaincre les ennemis qui s’y trouvent. Donald s’occupe de la colonne située à gauche, par l’intermédiaire de la touche L/L1/LB, Sora de la colonne centrale via A/Carré/B, et Dingo posté sur la droite, prêt à taper avec R/R1/RB. À cela, s’ajoute la gestion des sauts à travers B/X/A, et celle de la magie grâce à X/Triangle/Y.
Cette configuration est simple et ergonomique, mais est loin malheureusement d’être hermétique à tout cafouillage. D’autant plus lorsque la lisibilité est perturbée par des adversaires encombrants ou des effets spéciaux un peu trop flamboyants. Pour le coup, la difficulté n’est pas tant d’ordre rythmique, mais bien visuelle. Placer la caméra au dos de nos héros a beau correspondre au système de combat généré en temps réel de la licence, tout en mettant en avant sa direction artistique, elle n’aide toutefois pas toujours à déchiffrer correctement la chorégraphie proposée, notamment en ce qui concerne la position des notes. En ce sens, tout est une question d’adaptation de l’œil.
Les joueurs cherchant avant tout une expérience détente peuvent néanmoins se rassurer, trois niveaux de difficulté leur sont mis à disposition pour permettre de progresser tout en appréciant le dynamisme et la musicalité du gameplay. Si le mode débutant se veut véritablement récréatif, la difficulté standard se présente comme un bon équilibre entre challenge et amusement. Pour ce qui est des sessions en expert, en revanche, il faudra bien plus d’un essai avant de pouvoir maîtriser le parcours, ne serait-ce que pour passer la ligne d’arrivée. Entre le nombre de touches à l’écran, les notes simultanées qui s’enchaînent, et les monstres qui apparaissent à la dernière seconde, il est préférable d’éviter de cligner des yeux dans ces moments, au risque de rapidement s’emmêler les pinceaux. Les compétiteurs dans l’âme auront ainsi amplement de quoi se mettre sous la dent. En somme, chaque type de joueur peut trouver chaussure à son pied.
Best of Disney +++
Comme tout bon jeu de rythme qui se respecte, Kingdom Hearts Melody of Memory ne manque par ailleurs pas d’offrir un retour sur vos performances musicales avec un système de notation des familles. Plus vous multipliez les attaques dites Excellent Multicolore, plus le score sera bien évidemment élevé. Le tout étant d’être attentif autant de manière oculaire qu’auditive, sachant que chaque coup raté est un pas de plus vers le game over. Mais tenter d’atteindre le rang de prodige, qui peut se traduire par un beau A+++, ne sera pas l’unique raison de se surpasser. Certains lieux n’ouvriront leurs portes qu’une fois un nombre d’étoiles précis recueilli. Ces dernières peuvent être récupérées en remplissant les défis propres à chaque monde, comme activer tous les cristaux de compétences, aller au-delà d’un nombre de points dans une difficulté donnée, ou encore préserver l’intégrité de sa barre de vie.
Pour couronner le tout et histoire de bien garder un pied dans le genre RPG, notre évolution se matérialise en parallèle de celle de nos personnages qui, à chaque représentation musicale, obtiennent un gain d’expérience. Que la partition soit réussie ou pas, notre équipe se voit en effet recevoir, en fin d’épreuve, de l’XP qui lui permet de monter en niveaux et ainsi renforcer ses capacités : résistance au dégât, force d’attaque et nombre de HP. Outre les différents alliés qui viennent de temps à autre prendre la place d’un de nos acolytes, il est également possible de débloquer de nouvelles équipes de défenseurs de la lumière. Au total, pas moins de 20 héros peuvent se croiser à l’intérieur de quatre trios jouables : l’équipe classique (Sora, Donald et Dingo), l’équipe Days (Axel, Roxas et Xion), l’équipe DDD (Riku accompagné de deux Avales-Rêves) et l’équipe BBS (Aqua, Ventus et Terra).
Il est néanmoins dommage de constater que leur place ne sert principalement qu’à alimenter le fan service. Bien que certains de nos compagnons disposent de compétences élémentaires spéciales, leur utilisation n’a aucune véritable portée tactique. À l’inverse, l’apport stratégique s’articule davantage autour de la gestion de l’inventaire. Car en effet, avant de partir, nos héros peuvent choisir un bouquet d’objets à emporter au combat. En plus de retrouver les potions qui régénèrent un pourcentage de notre vie ou les booster d’XP, le Roi Mickey peut également être invoqué pour soigner ou aider nos héros à obtenir des points de rythme supplémentaire, par l’intermédiaire de l’Étoile d’intervention.
La Mélodie du Bonheur
La forme change, mais chaque élément structurel de la série de Tetsuya Nomura parvient ainsi ici à trouver sa place, en jonglant judicieusement entre subtilité et générosité. C’est en ces termes que se définit décemment cette balade au souffle nostalgique. Sans pour autant rivaliser avec le Curtain Call de Final Fantasy Theatrhythm, Melody of Memory offre de nombreuses heures de jeu et une longue liste de récompenses à amasser, le tout en compagnie d’un gameplay aussi varié que prenant. Envoyer valser les forces des ténèbres au rythme d’une bande-son aussi mélodieuse, épique et magiquement consonante que celle des Kingdom Hearts est un véritable plaisir.
Une fois la campagne principale finie ou la section des Morceaux aux choix explorée, le grand huit musical peut se poursuivre à travers les modes Coop et Duel. Le premier offre la possibilité de jouer les maestros aux côtés d’un(e) amie), tandis que le second permet d’affronter d’autres musiciens en herbe en ligne ou l’IA du jeu dans des parties fort animées. Ces dernières ne se résument pas seulement à une comparaison de score enregistré. Cette fois, la concentration doit être double car les participants cachent dans leur poche des pouvoirs spéciaux baptisés Ruses.
Se rapprochant des Feature Drive de Final Fantasy Theatrhythm, ces commandes ont tout simplement pour effet de nuire à l’adversaire en allant jusqu’à gêner sa visibilité par des artifices lumineux, faire apparaître des ennemis sur ses lignes ou intervertir carrément les points de vie. Le cours d’un match peut être à tout moment chamboulé, ce qui ne manque pas de rendre le tout bien palpitant. En somme, tout fan souhaitant profiter ludiquement de la bande-son se doit de sauter sur cette occasion qui prouve encore une fois la maîtrise de indieszero pour le genre, de plus en plus malheureusement délaissé, des jeux de rythme.
Ce test a été réalisé à partir d’une version dématérialisée, fournie par l’éditeur, sur Nintendo Switch.