Panique celtique
Jadis prospère, le monde a sacrément vrillé depuis que les divinités vénérées ont dévoilé tout le potentiel de leur cruauté. Succomber au fanatisme ou résister, les humains durent choisir leur camp. Jusqu’à ce que la résistance provoque une fois de trop des dieux abusifs en se mettant en tête de les détrôner. Seuls huit vaillants guerriers arrivèrent en un seul morceau sur l’île de tous les maux, bien déterminés à terrasser les dix acteurs de leur malheur. Dix boss inspirés de la culture celtique, conclusions de dix donjons défendus par leurs plus fervents adorateurs, et autant de patterns, de décors et de gimmicks de progression que l’on s’amuse à découvrir au fil de l’aventure.
Mais avant de partir au combat, il faut déjà choisir à qui incombera la lourde tâche de tuer la divinité concernée. Gods Will Fall propose 8 nouveaux guerriers à chaque run, choisis aléatoirement parmi une poignée d’archétypes : légers et rapides, équilibrés, lourds et puissants. Classique. Ces personnages possèdent tous une arme, une certaine quantité de “vigueur” (la barre de santé), une vitesse bien définie et des compétences. Toutes ces petites statistiques sont amenées à varier au cours d’un seul et même run, et c’est de cette progression un minimum organique que Gods Will Fall tire tout son sel.
Another god bites the dust
Contrairement à des titres plus traditionnels, les capacités d’un personnage ne changent pas vraiment avec l’obtention de nouvel équipement (bien que les armes évoluent), mais simplement par la découverte, la réussite ou l’échec des différents donjons. Pointez-vous devant un donjon, et un de vos personnages prendra peut-être peur et partira avec un peu de vigueur en moins. Triomphez d’un dieu, et celui qui l’aura massacré sera peut-être pris d’une folie meurtrière, diminuant ses PV mais augmentant considérablement sa force. À l’inverse, il en reviendra peut-être tellement éreinté que toute sa fiche de personnage sera revue à la baisse, le transformant en un fardeau pour la fine équipe. Rien n’est prédéterminé et c’est le simple cours des événements qui déterminera le bon déroulement de la mission.
Les personnages ne sont pas les seuls affectés par cette dimension aléatoire, les donjons sont eux aussi touchés par la (mal)chance. On ne parle pas dans Gods Will Fall de génération procédurale, puisque chaque donjon dispose d’une zone fixe que l’on retrouve à chaque nouvelle tentative, mais les ennemis qui le peuplent et quelques mini-variations peuvent les rendre plus ou moins difficiles. Sur la carte du monde, zone neutre où vos personnages se contentent d’aller d’un point A à un point B, les dix dieux sont accessibles directement. Le joueur est le seul maître de l’ordre dans lequel il désire les affronter. Sauf que ces boss ne sont pas classés par difficulté. Parfois, un donjon sera le plus simple, et lors de l’essai suivant, il sera le plus compliqué. Encore une fois, aucun indicateur ne permet de le savoir et seul le fait de s’y aventurer donnera plus d’informations dessus. Par contre, si un de vos aventuriers s’y engage, il n’existe qu’une seule façon d’en ressortir : par la victoire. Lors d’une défaite, il est capturé par la divinité affrontée jusqu’à son éventuelle libération par un autre guerrier, tâche plus ou moins ardue selon la difficulté du donjon. Avec 8 personnages, il y a de la marge, mais on aurait tort de se laisser aller au sacrifice intempestif !
La voie du berserker
Parce qu’il faut dire que même le plus simple des donjons peut avoir une allure de parcours du combattant lors des premières heures, la faute à une orientation “hardcore” (pour ne pas dire Soulsienne) pas toujours bien dosée. Pourtant, les bases de gameplay sont simples : des angles de caméra précalculés, deux boutons pour attaquer, un bouton pour esquiver / parer et de quoi régénérer sa santé. Rien de follement original pour qui a déjà touché n’importe quel jeu d’action au cours de sa vie. Sauf que le comportement des personnages n’est pas toujours aussi souple qu’on l’aurait souhaité et certains choix laissent perplexe. On pense notamment à la double commande esquive / parade, qui demande un vrai temps d’adaptation avant d’être pleinement utilisable. Face aux ennemis les plus faibles, elle ne pose pas trop de problèmes, le timing de la parade demeure acceptable, mais contre les boss, c’est une toute autre histoire.
De la même manière, achever un ennemi au sol ne s’effectue pas à l’aide d’une touche comme tout bon finish qui se respecte. Dans Gods Will Fall, il faut sauter puis effectuer un coup puissant. Problème, chaque coup a une certaine latence et lorsque plusieurs ennemis font face au joueur, il devient difficile d’achever ceux qui pourraient être sonnés sans se prendre une vilaine mandale derrière. Heureusement, ces petits pics de difficulté provoqués par des commandes pas toujours judicieuses sont compensés par un système de soin malin, qui rappelle nos quelques heures sur l’excellent The Surge 2. Si Gods Will Fall et le titre de Deck13 semblent ne rien avoir en commun, ni dans le visuel, ni dans la perspective, ni dans la structure, ils ont la même appétence pour les ruées salvatrices.
Complémentaire santé
Dans Gods Will Fall, il n’y a pas de potions à acheter ou de sorts à activer. Le soin n’existe qu’à travers quelques objets ponctuels, plutôt contraignants, et le système de “soif de sang”. Quand un personnage se fait toucher, sa vigueur diminue. Pour la faire remonter, il faut repartir au combat : chaque “touche” fait monter la jauge de soif de sang, et plus elle est remplie, plus elle se remplit vite. Dès qu’elle atteint un palier, le joueur peut appuyer sur la gâchette gauche pour dépenser cette rage, récupérer de la vigueur en conséquence et même gagner un bonus de dégâts plus ou moins long selon la taille de la jauge remplie. The Surge 2 adoptait un système similaire où le joueur était obligé de prendre des risques pour se soigner. Ici, la logique risque / récompense fonctionne tout aussi bien et pousse même parfois à jouer avec le feu pour dire de faire plus mal que prévu grâce au bonus de dégâts. C’est intelligemment fait, gratifiant et ça impose au joueur de tenir un rythme plutôt soutenu.
Tout ceci est soutenu par une direction artistique convaincante et des moyens techniques insuffisants. Gods Will Fall souffle le chaud et le froid, entre des environnement agréables à parcourir, joliment conçus, et des personnages grossièrement modélisés et animés, boss compris. Le fossé qui sépare les ambitions artistiques du studio et le budget qui a dû leur être alloué empêche le jeu d’être pleinement convaincant sur ce point, sans pour autant dépasser le stade de l’ignoble. Les jeux moches existent, et Gods Will Fall n’en fait pas partie. Chaque ennemi reste identifiable facilement et les boss ont suffisamment de personnalité pour être appréciés à leur juste valeur. Même constat pour les dix zones à traverser, toutes ont une esthétique et une identité sonore différentes. D’ailleurs, Gods Will Fall est une vraie réussite en termes d’habillage musical. La bande originale est tout bonnement excellente et est régulièrement appuyée par les hurlements des victimes de ces impitoyables dieux.
Ce test a été réalisé à partir d’une version dématérialisée, fournie par l’éditeur, sur Xbox.