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Et si dans un futur plus ou moins éloigné, la Lune devenait le terrain de jeu d’un MMO à travers lequel les joueurs contrôleraient à distance de véritables avatars ? L’idée peut sembler loufoque, voire insensée. Pourtant, c’est bel et bien le contexte au sein duquel évolue Léa, l’héroïne principal de CrossCode, du moins son corps artificiel. Malheureusement, le début de l’aventure ne se présente pas sous de bons augures, autant pour l’hôte que pour son double virtuel, puisqu’en plus d’être dans l’impossibilité de se déconnecter, tous deux ont perdu la mémoire ainsi que leur capacité de parler.
Dès lors l’objectif principal apparaît de lui-même : parcourir le CrossWorlds (le nom du jeu en question) afin de retrouver les souvenirs de notre duo amnésique. Pour autant, la tâche à accomplir n’aura rien d’une promenade de santé car outre la grandeur et l’hostilité du monde, un mystérieux groupuscule semble en vouloir à notre jeune héroïne aux cheveux bleu azur, notamment pour son puissant pouvoir caché.
De prime abord, le scénario de ce énième action-RPG indépendant peut être perçu comme un isekai (terme japonais désignant des œuvres – à l’origine littéraire – où les personnages se retrouvent transportés, voire piégés, dans un monde parallèle, souvent virtuel) des plus classiques. La quête d’un passé perdu pour un certain élu de la prophétie faisant l’objet de nombreuses œuvres avait d’ailleurs de quoi aller dans ce sens. Mais une fois le pied posé au cœur du CrossWorlds, un tout autre tableau d’une forte subtilité vient s’imposer.
Être un gamer ou ne pas être un gamer ?
Bien loin d’être accessoire, le principe d’intégrer un jeu dans un jeu sert ici autant le game design que la narration très méta du titre de Radical Fish. Entre ses dialogues à l’humour décalé, ses références à l’industrie et sa manière de détourner la grammaire vidéoludique, l’histoire de CrossCode pose d’intéressantes réflexions sociales et culturelles, notamment en ce qui concerne la condition de joueur. Ce soin apporté à l’écriture se lit également à travers le casting qui, malgré une approche parfois quelque peu théâtrale, déborde de crédibilité. Certaines interactions entre les personnages sentent véritablement le vécu, ce qui participe tout naturellement à l’immersion.
Il ne serait pour ainsi dire pas étonnant que de véritables expériences en ligne soient à l’origine de ces scènes. Mais au-delà de porter un œil critique envers la sphère vidéoludique actuelle, ou du moins de tourner celle-ci en dérision, CrossCode, semble être avant tout un hommage à la belle époque des consoles 16-bit. À la fois colorés, scintillants et vivants, les décors pixelés du CrossWorlds sentent bons la madeleine – comme dirait Proust. Les grands aventuriers dans l’âme auront peut être du mal à s’accorder une pause lors du voyage tant les plaines verdoyantes de Gaïa’s Garden, les forêts luxuriantes de Autumn’s Rise, les montagnes enneigées de Bergen Trail, ou les canyons arides de Maroon Valley invitent à l’exploration. Attention toutefois au charme des lieux. Il ne faut pas se tromper, le danger rôde et est prêt à surgir à tout moment.
Léa Passion Aventures
Si elle compte survivre et ainsi retrouver ses souvenirs, la petite Léa va donc devoir apprendre à exploiter ses armes et les capacités de sa classe. Notre championne fait en réalité partie de la toute première classe du jeu, celle des Spheromancer. Ce statut lui donne notamment la possibilité de lancer des sphères d’énergie, un outil qui ne manque pas d’apporter une légère touche de shoot them up à l’action. Dans la veine des action-RPG des années 90, les combats se jouent ici en temps réel, en mêlant à la fois frappes à distance, attaques de mêlée, protection au bouclier et esquives dynamiques. Les chorégraphies s’enchaînent avec aisance et énergie, puis s’intensifient à mesure que notre personnage évolue.
Chaque ennemi est l’occasion de renouveler sa stratégie martiale. Apprendre en observant est donc fortement recommandé. Les boss ou les mid-boss auront d’ailleurs de quoi le prouver à tout aventurier mal préparé cherchant à dérober leur trésor. La ligne directrice à suivre, en parallèle de la quête identitaire de Léa, en tant que participant au CrossWorlds est de retrouver les quatre éléments sacrés, soit le Feu, la Glace, la Foudre et l’Onde. Caché et protégé par un gardien au sein de leur donjon respectif, chaque élément, une fois récupéré, permet d’acquérir des pouvoirs spéciaux qui eux-mêmes peuvent être améliorés via un arbre de compétences.
Si le système d’expérience peut paraître (volontairement) factice, la marge de progression n’en demeure pas moins considérable avec des améliorations qui impactent réellement le gameplay. En ce sens, la carte se constitue à la manière d’un grand puzzle dont les pièces se manient en fonction de nos compétences et notre équipement. Bien que la liberté de mouvement en soit quelque peu altérée, les activités à couvrir sont suffisamment bien structurées pour empêcher la frustration de s’inviter à la fête. Les diverses guildes en présence ont d’ailleurs plaisir à distribuer tout un catalogue de missions annexes qui, malgré leur nombre écrasant, ne tombent pas dans la répétitivité. Les casse-têtes y sont légions et rythment judicieusement le voyage.
Je me souviens
Entre utiliser une sphère en ricochet pour activer une porte, faire fondre un mur de glace par un coup de flammes ou à l’inverse, geler l’eau pour construire un bloc solide, certaines énigmes demandent de se triturer fortement les méninges pour en découvrir la clé et ainsi ouvrir le passage. Qui plus est, excepté partiellement nos compagnons de route, rien n’indique clairement le chemin à suivre lors de nos campagnes. Pour ainsi dire, la jauge d’autonomie est suffisamment bien équilibrée pour permettre à quiconque d’avoir ses repères sans que cela se transforme en guide touristique.
Côté défauts, rien de bien perturbant n’est donc à signaler, si ce n’est une prise en main sur PS4 un peu gênante au niveau des deux sticks analogiques lorsqu’il s’agit de gérer les déplacements et la visée des tirs. Et si on veut un peu pousser le bouchon, il est toutefois un poil dommage qu’aucune dimension multi, ou du moins sociale, n’ait été intégrée. Il aurait été plutôt bienvenu, de manière à rester dans le thème, de permettre à un joueur de rejoindre ou d’aider d’une quelconque façon un semblable en ligne.
Quoi qu’il soit, le contenu proposé dans CrossCode reste gargantuesque et se doit d’être salué pour un jeu indé, surtout lorsqu’on sait que toute son architecture a été écrite sur HTML 5. Pour le coup, le studio allemand n’a pas que franchit les codes, il les a bel et bien surpassés (on vous invite d’ailleurs à visionner la vidéo à cette adresse). Une fois au bout de l’aventure, après une bonne quarantaine d’heures (compter plus si on souhaite couvrir le jeu à 100%), au milieu des souvenirs parfumés de nostalgie du voyage au sein du CrossWorlds, une question reste tout de même en suspens : que serait un jeu chapeauté par Radical Fish Games avec un budget et des moyens plus conséquent ?
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Ce test a été réalisé à partir d’une version dématérialisée, fournie par l’éditeur, sur PlayStation 4.